Un dernier regard sur le double triomphe 2006 de Renault par le patron lui-même, Flavio Briatore.
Après avoir fait plier McLaren en 2005, Renault a usé de la même façon Ferrari pour s'adjuger les titres Pilotes et Constructeurs de la F1 de 2006. 206 points contre 201 à la Scuderia au Mondial des Marques, 134 pour Fernando Alonso contre 121 à Michael Schumacher : ces marges étaient les maigres différentiels au soir du 19e grand prix, à Sao Paulo. Ceci aux prix d'intenses efforts pour repasser devant les Rouges, en tête après Monza, et devant le septuple champion du monde, leader suite à Shanghai.
"La victoire de l'an passé restera un moment historique car Renault est devenu le premier constructeur généraliste à s'imposer en Formule 1", souligne Flavio Briatore. "Renouveler cet exploit est sans précédent (...) Gagner un second titre a confirmé que la victoire de l'an dernier était plus que méritée. Renault fait bel et bien partie des grandes équipes de Formule 1" , insiste encore le directeur général adjoint. Voilà remisée la thèse de l'accident avancée l'an passé par McLaren et Ferrari, respectivement en proie à des soucis de fiabilité et de pneumatiques.
Renault a bissé avec les mêmes armes, qui n'étaient pas les plus clinquantes. "Nous ne sommes pas l'équipe avec le plus gros budget (ndlr : évalué à 280 millions d'euros), nous ne proposons pas les meilleurs salaires, nous ne nous offrons pas les services d'une superstar, dans aucun domaine", poursuit l'Italien de 56 ans, boss à tendance quand même narcissique pour posséder son site Internet personnel. "Nous travaillons en tant qu'équipe du début à la fin", ajoute-t-il. "La meilleure illustration remonte à cet été, lorsque nous avons dû faire face à plusieurs défis difficiles (...) L'équipe a su rebondir. Je suis fier de faire partie d'une équipe comme celle-ci". Il n'a pas digéré l'interdiction de l'amortisseur de vibration ou "mass damper" niché à l'avant de la R26, ou encore l'arbitraire de la pénalité de son pilote N.1, qui roulant cent mètres devant Felipe Massa en essais, gênait en fait le Brésilien à la rossa...
Assailli par un cancer
Les adversaires ont changé mais Enstone et Viry-Châtillon ont gardé haleine. "Ferrari a cessé sa stratégie de développement fin 2005 pour commencer à préparer cette saison (2006) et ils se sont montrés très performants", remarque FB. "McLaren a attaqué jusqu'à la fin de saison mais au détriment de leur saison 2006. Nous avons remporté le championnat l'an passé et nous étions les mieux préparés une fois encore au début de la saison 2006. Cette réussite revient en grande partie à Rob White et son équipe moteur à Viry. Ils ont conçu un nouveau bloc V8, ont patienté pour le faire tourner en piste et ce moteur a gagné la première course, d'entrée de jeu. Plus tard dans la saison, lorsque nous avons eu des problèmes, ils continuaient à travailler et à repousser les limites pour trouver le rapport optimal entre performance et fiabilité. Ils ont abattu un travail considérable, tout comme l'équipe d'Enstone, qui a, elle aussi, repoussé les frontières dans tous les domaines."
Plus violent, urgent et inquiétant encore, Briatore s'est retrouvé à lutter contre un cancer, au début de l'été. "Je me suis inspiré de notre équipe", répond-t-il, rétrospectivement. "Dino Toso, notre responsable aérodynamique, lutte contre le cancer depuis maintenant deux ans et s'est montré remarquablement courageux. Ce diagnostic a été un autre obstacle dans une saison déjà remplie de défis. Et c'est ce que j'ai appris de notre écurie en 2006. Lorsque les choses vont mal, elle cherche au plus profond d'elle-même et rebondit encore plus forte, encore plus unie."
Retour aux chiffres de 2006, parfois austères mais signifiants : le V8 français a été le plus fiable de tous car 20 copies ont été utilisées (10 par pilote), Fisichella ayant connu un incident à Bahreïn et Alonso une casse en Italie. En ajoutant que la situation a été "très stressante pour tout le monde" et que la lutte fût "incroyable", le manager transalpin pourrait dire que Renault et Ferrari ont mené chacun 520 tours en 2006 (60 pour McLaren, 25 pour Honda), et que Alonso a couvert 1108 tours sur les 1137 possibles, contre 1113 à Schumacher...
Alonso est d'une autre planète
Une introduction aux éloges. "Fernando était tout simplement stratosphérique cette année, une véritable machine de guerre" , résume-t-il. "Il a fait une saison incroyable sans commettre la moindre erreur. Notre relation avec lui a atteint cette année son point culminant et nous avons gagné ensemble une nouvelle fois." Fisichella n'a pas montré la même envergure mais a su préservé l'essentiel, ce qui vaut bien des compliments : "Giancarlo a fait un pas en avant lui aussi. Il a marqué plus de points qu'en 2005, il était plus à l'aise au sein de l'équipe et il peut continuer à progresser en 2007. De l'extérieur, les gens doutent de lui et le critiquent. Mais au sein de l'équipe, nous avons pleinement confiance dans sa capacité à se révéler à un tout autre niveau l'an prochain".
Evidemment, une page se tourne avec le départ Alonso pour Woking. "Nous ne serons certainement plus la même équipe", concède Briatore. "Alonso était l'anti-Schumacher et nous espérons maintenant que Heikki [Kovalainen] sera l'anti-Alonso. Mais le pilote n'est qu'un élément du package. En dehors des trois écuries de pointe que compte la Formule 1, nous sommes les seuls à aborder 2007 avec une structure technique stable et c'est ce qui paie en Formule 1." Tout juste Rod Nelson, ingénieur de course du double champion du monde espagnol, a-t-il fait ses valises pour une promotion chez Williams.
A part ça, la R27, visible dès le 16 janvier à Jerez, devrait être bleue, jaune et de l'orange du nouveau sponsor néerlandais ING, que McLaren et Ferrari ont démarché sans succès. Une victoire de plus.