Le Directeur Technique Moteur du Renault F1 Team passe en revue la saison 2006 et évoque les défis à relever pour le prochain championnat.
Rob, comment avez-vous suivi le dernier Grand Prix de la saison 2006 ?
RW : J’étais au Square Com’ Renault, à Boulogne. Il y avait des membres de Viry, de Renault, et du fan club F1. Inutile de vous décrire l’ambiance ! La course a été longue et stressante mais c’était ce que nous voulions. Le dénouement, bien sûr, a été fantastique. Nous avons prouvé que Renault F1 Team est une grande équipe, qui sait rester déterminée et efficace sous la pression.
Et la fiabilité a été au rendez-vous : les spécifications E et D5 ont tenu la distance…
RW : Oui, c’est un motif de grande satisfaction. Nous avions pris la décision inhabituelle d’utiliser deux types de V8 différents et ce pari a payé. Cependant, je ne peux pas m’empêcher de penser au problème moteur que nous avons rencontré cette saison, à Monza. Notre priorité absolue, c’est le zéro défaut. Il s’agit d’un des piliers de notre philosophie : on doit terminer les courses si on veut gagner le championnat. Nous pouvons néanmoins relativiser cette petite erreur de parcours. Il s’agissait en effet de la première saison des moteurs V8. Et puis, nos concurrents ont, dans leur ensemble, connu beaucoup plus de problèmes que nous.
Génétiquement, le RS26 semblait très bien né…
RW : Je pense que c’est pendant notre phase d’approche, lors de la gestation du RS26, que sont nées ses principales qualités. Avec Léon Taillieu, le chef de projet, nous avons passé énormément de temps à définir le concept, à comprendre les nouveaux défis techniques qu’il représentait ainsi que ses implications au niveau de nos ressources. Nous avons choisi de retenir certaines solutions techniques héritées de 2005, nous en avons développées de nouvelles. Nous avons aussi beaucoup travaillé au banc d’essais pendant l’hiver, tandis que l’échange avec Enstone à propos de l’intégration au châssis a été exemplaire. Au final, notre moteur n’a pas été le premier à prendre la piste -et nous avons été beaucoup critiqués pour cela- mais il a été le premier à gagner un Grand Prix . C’était exactement ce que nous voulions.
Comment avez-vous développé le RS26 tout au long de la saison ?
RW : A partir du moment où la fiabilité initiale était bonne, le moteur est entré dans un cycle de développement normal. Rapidement, nous avons identifié les secteurs qui allaient nous permettre de trouver de la performance et nous avons planifié les évolutions à venir. A chaque fois, bien sûr, l’impact de ce surcroît de performance sur la fiabilité a été évalué et certaines pièces redessinées.
Le développement complet de ce moteur était-il planifié d’entrée de jeu, ou vous a-t-il fallu bousculer un peu vos priorités en fonction de l’actualité ?
RW : C’est toujours un peu des deux. Du début à la fin de la saison, le développement du moteur est planifié mais ce tableau de marche évolue en fonction d’une foule de paramètres, qu’il s’agisse de problèmes rencontrés en course ou d’avancées dans le design…
La casse moteur de Monza, par exemple, a dû provoquer quelques nuits blanches !
RW : Je suis particulièrement fier de la manière dont l’équipe de Léon Taillieu est parvenue à gérer cette situation. Après Monza, notre première réaction a été la stupeur, la déception. Puis nous avons converti cette énergie en quelque chose de concret. Nous avons compris l’origine du problème, mis au point un remède, que nous avons validé. Parallèlement, nous avons contacté nos fournisseurs et partenaires afin d’être certains que les délais pourraient être tenus. Lorsque nous avons pris la piste pour les dernières validations, avant le Grand Prix de Chine, deux solutions potentielles s’offraient à nous. La première était très maîtrisée et connue, la seconde était plus téméraire mais offrait davantage de performance. Nous avons opté pour cette dernière ! C’est typique de notre approche.
Cette alerte est intervenue tard dans la saison. Démontre-t-elle qu’en matière de fiabilité, rien n’est jamais acquis ?
RW : C’est exactement cela. La bataille de la fiabilité n’est jamais gagnée et le secret de la réussite, c’est d’être vigilant en permanence. Cela dit, se reposer uniquement sur la fiabilité, même en fin de saison, serait une erreur. Un moteur doit également être performant : l’aller-retour entre ces deux paramètres interdépendants, c’est notre quotidien.
Le cycle d’utilisation des moteurs neufs était décalé presque toute la saison entre Fernando et Giancarlo. Cette situation a-t-elle été un avantage ou un problème ?
RW : Ni l’un, ni l’autre. Elle nous a permis d’avancer l’introduction de certaines évolutions en course mais cette décision s’est souvent accompagnée d’une énorme charge de travail afin d’effectuer toutes les validations nécessaires, avancées par rapport au programme initial.
Pourriez-vous donner une indication chiffrée des progrès réalisés en puissance et en régime tout au long de la saison ?
RW : (il sourit) Je crois que je n’ai pas très bien compris la question…
Comment définiriez-vous un bon moteur de F1 moderne ?
RW : C’est simple. Mon opinion, c’est qu’on ne marque pas de points pour la puissance, le couple ou le régime. La meilleure indication, ce sont donc les points acquis au championnat du monde car au final, seuls comptent les prestations de l’ensemble châssis-moteur.
A ce propos, la collaboration entre Viry et Enstone est-elle toujours aussi bonne ?
RW : Oui. Elle est continue et elle est arrivée à maturité, même si elle se renforce en permanence. L’échange est direct et franc. Il existe aussi une grande confiance mutuelle.
En 2007, Renault fournira également une autre équipe, puisqu’un accord a été signé avec Red Bull. Qu’est-ce que cela changera ?
RW : C’est une bonne chose, tout d’abord parce que cet accord renforce l’implication de Renault en F1. Nous avons vraiment hâte de débuter le travail avec nos nouveaux partenaires. Cela nous permettra notamment de compenser quelques-uns des effets de la réglementation, qui limite quelque peu l’activité des motoristes et des équipes d’essais.
Vos espoirs pour la saison prochaine ?
RW : Il est encore un peu tôt pour en parler mais nous entendons aborder 2007 de la même manière que les deux saisons précédentes, tirer le meilleur de nos ressources pour obtenir les meilleurs résultats possibles. Et gérer les changements de manière plus efficace que nos rivaux !