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Myster a écrit:Peugeot 2008 ?
La 208 break allroad ?
Je l'ai vu du temps où je travaillais chez PSA... Je l'ai pas trouvée très jolie..
J'aime bien cette Renault par contre !
Carlos Ghosn, l'incompris
PORTRAIT - Admiré dans le monde entier, le PDG de Renault-Nissan entretient un rapport compliqué avec la France. Sans doute parce qu'il n'est pas comme les autres.
Avez-vous été étonné que General Motors vous courtise en 2006?», lui demande, il y a quelques années, un journaliste lors d'un dîner. Le PDG de Renault-Nissan se recule sur sa chaise, réfléchit un instant, puis lâche, le sourcil sévère accentuant son regard d'aigle: «Etonné? Non, je ne dirais pas ça.» Il y a beaucoup de Carlos Ghosn dans cette réponse: un mélange d'ego assumé et d'hyperrationalité. N'importe quel autre dirigeant du CAC 40 s'en serait tiré par une pirouette de fausse modestie. Pas lui. Ce patron, qui possède trois passeports - brésilien, français et libanais - et parle sept langues, n'est pas comme les autres.
Est-ce pour cette raison que le sauveur de Nissan, admiré dans le monde entier, entretient un rapport si compliqué avec la France? Pêle-mêle, on lui reproche ici de toucher un salaire astronomique, de privilégier au détriment de Renault le constructeur japonais (détenu à 43,4%), de ne pas être assez présent en France. Ou encore de ne pas laisser ses numéros 2 exister. Après Patrick Pélata, il a écarté à la rentrée Carlos Tavares chez Renault, coupable d'avoir étalé ses ambitions dans la presse, puis tout dernièrement son bras droit à Tokyo. Toutes ces critiques ont fini par porter: selon l'un de ses proches, cet homme secret est «blessé de voir que la France ne lui rend pas l'attachement qu'il a pour elle».
Son double job entre Paris et Tokyo est infernal
La première source de malentendu est d'ordre géographique: Carlos Ghosn est le seul être humain à diriger deux multinationales éloignées de 10.000 kilomètres. Un double job infernal. «Vous ne pouvez pas vivre dans deux pays en même temps, vous ne pouvez pas diriger deux entreprises d'une telle taille, d'une telle complexité, qui demandent une telle attention, en même temps, dit-il. J'arrive à le faire parce que j'ai quatorze ans d'expérience.» Le prix à payer est élevé. «C'est très éprouvant sur le plan physique. Je me prends trois ou quatre jet lags par mois, je fais des nuits à peu près blanches. Et à la sortie de l'avion, les gens vous attendent: il faut être à 100%.» Pour tenir le coup, Ghosn respecte un emploi du temps millimétré, vole le plus possible de nuit dans son jet privé transformé en bureau, se couche tôt, suit un régime draconien, et fait de la gym. Cette course permanente lui a peut-être coûté son mariage, l'an dernier. «Cela lui a fait mal, car il a un attachement très fort à la famille», explique un de ses amis.
L'un des arguments développés par ses ennemis découle de là: la belle mécanique de celui qui passe à peine la moitié de son temps à Paris se serait déréglée. «La période où il dirigeait seulement Nissan reste une référence. Il y avait un aller et retour permanent entre ses passages sur le terrain et la direction. Il était capable de passer du temps sur un problème, pour comprendre les choses en profondeur. Mais les choses se sont gâtées quand il a pris la tête de deux constructeurs. Il s'est enfermé dans une tour d'ivoire», juge un ancien cadre. Conséquence, il délègue beaucoup, et il va trop vite, selon certains.
Ses absences sont d'autant plus mal vécues que, selon certains, Carlos Ghosn se montre presque robotique quand il se trouve chez Renault. «Il n'est pas seulement loin physiquement, mais aussi humainement», assure un ancien administrateur. Et de rappeler le désastre des trois salariés accusés à tort d'espionnage, dont l'un travaillait dans le groupe depuis trente ans. «Il n'a aucune empathie, il ne donne pas de lui-même. Personne ne le déteste, mais personne ne l'aime non plus. En termes d'animation des hommes et des équipes, c'est clairement une limite. Il a créé une alliance solide, mais il faut aussi savoir créer l'envie, donner du sens», assène un cadre. Un autre assure qu'un fossé se serait creusé au fil des années entre les valeurs de Renault et les convictions de Ghosn. «Il y a dans l'entreprise des valeurs de solidarité, de développement du pays qui datent des années 1950, et auxquelles il n'a jamais adhéré. Il voit son groupe globalement et n'a pas d'attachement particulier à la France.»
Cette froideur, surprenante de la part d'un Méditerranéen, il la revendique: «Je ne me comporte pas exactement de la même façon dans mon rôle de patron et en dehors. Dans un cas, je me contrôle ; dans l'autre, moins. A mon avis, c'est indispensable. J'ai horreur des gens qui explosent de colère. Pourtant, parfois, ce n'est pas l'envie qui m'en manque.» L' ennui, c'est qu'il freine aussi ses bons côtés. «A Ginza, au Japon, le soir, on me proposait d'aller boire des bières avec les équipes, je n'ai jamais accepté. Cette familiarité dans le métier, je ne la trouve pas naturelle. Même si c'est vrai qu'il y a des tas de gens dont j'aurais bien aimé être copain.» Même avec sa garde rapprochée, il se retient. «Nous venions de boucler des négociations pour nous implanter sur un marché majeur. Alors que nous remontions à nos bureaux par l'escalier, il se fend d'un large sourire: “C'est incroyable ce que nous venons de faire!” Je sens qu'il a envie de me taper sur l'épaule. Mais il n'en fait rien», raconte un ancien.
Meurtri par la fausse affaire d'espionnage
Ghosn n'est pourtant pas insensible, loin de là! Ainsi a-t-il été «meurtri» par les accusations portées contre lui pendant la fausse affaire d'espionnage chez Renault. Mais «dans les périodes difficiles, il n'évoque pas son stress, et devient très silencieux. Certaines choses l'affectent, mais il sait que ça va passer. Il a très confiance en lui», explique sa fille Nadine, pour qui l'image reflétée par son père «n'est pas complète». Ses intimes le décrivent d'ailleurs comme simple et chaleureux. «On peut s'appeler à l'improviste pour aller dîner. Il a énormément d'humour: il remarque des scènes du quotidien, les commente, plaisante», raconte Antar Daouk, PDG de Transaco, un ami de trente ans. A l'X, il «faisait des fêtes, c'était un rigolard», témoigne un ancien condisciple. Jeune recrue chez Michelin, il lui arrive aussi de faire le pitre. «On s'était retrouvés à Saint-Etienne, dans un bar. Un journal local de petites annonces traînait. A 1 heure du matin, il a appelé des gens qui vendaient des objets (un bidet, un pistolet…) en prenant un accent arabe: “Je travaille de nuit, je vais bientôt prendre mon travail, la journée, je dors, si je dois acheter le bidet, c'est maintenant.” Ou: “J'espère que votre pistolet marche, je ne peux plus supporter ma femme”», se souvient Philippe Verneuil, président de Michelin en Chine.
En dehors de son travail, sa priorité fut longtemps ses quatre enfants, auxquels il continue de donner à lire les livres (souvent de développement personnel) qu'il aime. Et réserve deux semaines de vacances en août. «Aujourd'hui encore, le week-end, on essaie de prendre le petit déjeuner ensemble, puis on part tôt pour de longues marches au bois de Boulogne. On aime aussi déjeuner à l'Atelier de Joël Robuchon, découvrir de nouveaux restaurants», raconte Nadine. Lors de ses rares soirées pour lui, il écoute de la musique classique, en pyjama. Monsieur Tout-le-Monde, en somme…
On l'a compris, dans un pays où la plupart des patrons sortent du même moule, Carlos Ghosn détonne. Certes, il admire «l'exigence intellectuelle française, sa créativité». Et il salue la générosité de la France, sa capacité à intégrer des étrangers. Mais il ne cache pas son agacement devant un côté «petit bras» face à la globalisation, et «une relation torturée avec l'argent». Car, et c'est une autre facette du quiproquo entre la France et lui, Ghosn assume un rapport décomplexé à l'argent. Lorsqu'on l'accuse de trop l'aimer (il a gagné 7,7 millions d'euros côté Nissan en 2012, et 2,23 millions côté Renault), il soutient que la rémunération n'est pas sa motivation principale, sans quoi il aurait accepté les propositions de diriger GM, Ford, Chrysler et un «grand constructeur européen.»
Le «samouraï» ne fréquente pas les cercles du pouvoir parisien
De même, il ne fait rien pour s'attirer les bonnes grâces des élites françaises. Détestant les «ghettos» et attaché à sa liberté, le «samouraï» ne fréquente pas les cercles du pouvoir parisien, type le Siècle ou autres cénacles d'influence. «Il n'a pas envie d'y passer du temps, ça l'ennuie», témoigne un connaisseur. D'où des rapports parfois difficiles avec les hommes politiques. Lui qui a eu les mains libres au Japon «éprouve une forme d'hostilité envers l'Etat, en qui il voit une source de contraintes», explique un membre de la sphère gouvernementale. Il n'a pas digéré qu'on l'ait empêché de délocaliser toutes les Clio en Turquie, ni qu'on lui demande de baisser son salaire.
S'il est parfois mal à l'aise avec les particularités françaises, c'est que cet homme est un patchwork culturel, pour qui l'influence française n'est qu'une parmi beaucoup d'autres, se confondant parfois avec «l'influence de la mère, française et grande admiratrice de la France». Ses racines les plus profondes sont enfouies au Liban, où il vécut de 6 à 17 ans, faisant ses études chez les jésuites à Beyrouth. Il y a investi plusieurs millions de dollars dans la vigne, sur les coteaux du Mont Liban. «Il trouvait que le vin pouvait être un très bon ambassadeur du Liban», où il retourne chaque année, explique Etienne Débanné, directeur général d'Ixsir, la société viticole en question. Et d'ajouter: «Ici, il a plein d'amis d'enfance. C'est la coqueluche, on se l'arrache. Par rapport à l'image que l'on peut avoir de lui, il est extrêmement affable, sympathique, disponible, très sociable.» Défenseur de la francophonie, il est aussi au conseil d'administration de l'université de Beyrouth.
C'est peut-être dans son enfance au Liban qu'il faut chercher pourquoi il s'inflige une vie aussi compliquée. «Ce qui m'a le plus marqué, ce sont les troubles, dit-il. Il y a eu la guerre des Six-Jours, les guerres régionales, des tensions perpétuelles. Il y avait dans mon collège des enfants de réfugiés syriens, irakiens. Quand vous vous rendez compte d'un tel gâchis, vous avez envie de contribuer à une construction dont les gens soient fiers. On retrouvera ça dans la renaissance de Nissan: une situation perdue, dans un continent étranger, dans un pays inconnu.»
C'est au Brésil qu'il se sent le plus heureux
Dans la construction personnelle du patron de Renault, il y a aussi la figure de son grand-père, Bichara Ghosn, Libanais maronite, presque illettré et sans argent, qui s'installa à Porto Velho, en Amazonie, où son petit-fils verra le jour. Débrouillard, ce pionnier créera plusieurs sociétés, dont une dans le transport aérien, que reprendra son fils. Carlos Ghosn, et c'est probablement l'un de ses moteurs, s'inscrit dans cette trajectoire ascendante. Désormais parvenu au faîte de la réussite, il agace parfois par son comportement: «Son ego a pris le dessus. Il aime faire partie des grands de ce monde au forum de Davos» ou raconter ses négociations dans la datcha de Vladimir Poutine.
Au fond, c'est sans doute au Brésil, où vivent encore sa mère, ainsi que deux de ses sœurs, que Carlos Ghosn se sent le mieux (il apprécie les promenades sur la plage et la simplicité des rapports humains). Les gouverneurs des Etats où le groupe est implanté sont «des copains», qui «viennent me voir quand ils sont de passage à Paris», dit-il. Autre influence, les Etats-Unis, où tous ses enfants ont fréquenté Stanford. Il en a gardé le goût des voitures puissantes, comme la Nissan GTR, dont il a piloté le développement.
Alors que le mandat de ce patron de 59 ans arrive à échéance en mai 2014, même son entourage le plus proche ignore s'il se représentera. Il se donne jusqu'à la fin de l'année pour y réfléchir. Une chose est certaine: il impressionne toujours par sa capacité à synthétiser les situations les plus complexes et à en retirer l'arête. Et il continue de frapper les esprits par son extrême pragmatisme: «Continuer à faire ce qui marche, arrêter ce qui ne marche pas.» Le défi qui pourrait le motiver? Relancer Renault, qui peine notamment à convaincre dans la voiture électrique, en s'implantant en Chine. S'il y arrive, il ne sera pas forcément mieux compris, mais sûrement moins jugé.
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