La présentation officielle du Grand Prix d'Espagne 2005 par le Mild Seven Renault F1 Team.
Fernando Alonso
Vous venez de remporter trois Grand Prix consécutifs, mais Ferrari s'est montré très menaçant à Saint-Marin. Quelle est votre analyse de la situation ?
Nous étions effectivement plus lents que les Ferrari à Imola, même si nous n'en connaissons pas les raisons précises. Mais l'équipe a beaucoup travaillé pour que la monoplace soit encore plus compétitive à Barcelone. De mon côté, je crois que si Ferrari a si bien réussi à Imola, c'est que les conditions lui étaient favorables. Car je trouve anormal qu'une voiture soit tellement au-dessus de toutes les autres – et pas seulement des nôtres. Evidemment, nous ne courons plus contre les mêmes Ferrari que nous avons vues lors des trois premières courses, mais je ne pense pas qu'elles soient partout aussi compétitives qu'à Imola. Avec un peu de chance, ils devraient souffrir un peu plus ce week-end.
Bref, vous êtes plutôt optimiste pour la course…
Pour l'instant, Renault a remporté les quatre premières courses de la saison, donc nous sommes l'écurie à battre. Traditionnellement, le circuit de Barcelone nous a toujours été plus favorable qu'Imola, donc nous ne pouvons qu'être confiants. Mais les autres écuries sont également très rapides et elles connaissent bien le tracé pour y avoir effectué leurs essais privés, comme nous. Je pense que la concurrence sera rude, encore plus qu'à Bahreïn ou à Imola.
Giancarlo Fisichella
Giancarlo, en quatre courses, vous avez enchaîné une victoire et trois abandons. Comment expliquez-vous cela ?
Ça fait longtemps que je suis en Formule 1, et je sais que la seule façon de réagir, c’est de transformer ça en quelque chose de positif. Je ne nie pas que cela a été frustrant mais de mon point de vue, je sais que les incidents que j’ai eus ont fini par aider l’écurie : en Malaisie, l’aileron avant a cassé mais nous avons corrigé le problème, qui ne s’est pas reproduit depuis ; pareil à Bahreïn, où les enseignements de ma casse moteur ont permis à Fernando de terminer la course à Imola et de renforcer la position de l’équipe au championnat. Tous nos rivaux ont été agressifs dans leur développement, et aucun des top teams n’a eu une fiabilité sans faille. Mais c’est le genre de chose qui arrive en Formule 1, et nous avons travaillé pour corriger les problèmes. L’écurie a apporté des réponses positives et la R25 est maintenant une voiture plus rapide et plus fiable. Je vais faire de même : je tiens à marquer des points dès que possible.
En commençant à Barcelone...
Oui, j'espère bien ! C'est un tracé que nous connaissons comme notre poche car nous y parcourons des milliers de kilomètres pendant les essais hivernaux. Donc, avant même d'y arriver, nous savons déjà presque tous les réglages nous allons utiliser. Ce qui prime c'est d'avoir une voiture très équilibrée, parce qu'il faut attaquer sans cesse. Or, si on ne se sent pas en confiance, on perd énormément de temps au tour. Les pneus sont également soumis à rude épreuve. Même si nous commencerons la course avec une voiture sous-vireuse, il faudra chercher à épargner le plus possible les pneus arrière, sans quoi, en fin de course, on risque de souffrir d’instabilité sous freinage et sous accélération.
A quel niveau de performance vous attendez-vous de la part de la monoplace ?
Je pense que la R25 sera rapide à Barcelone, vraiment rapide. Ces dernières saisons, Renault s'est toujours montré très compétitif en Catalogne et, cette année, au cours des essais, nous avons réussi de bons résultats dans les tours lancés comme dans les roulages plus longs. Fernando bénéficiera évidemment du soutien massif du public, ce qui lui donnera une motivation supplémentaire. En ce qui me concerne, j'ai pu constater lors des essais qu'ils m'accueillaient moi aussi très chaleureusement. En fait, je pense qu'ils ont également envie de me voir réussir. Mais les choses ne vont pas être faciles parce que je vais encore m'élancer très tôt lors de la première séance de qualifications. Cependant, si le tour se passe sans encombre et que je peux bien me placer sur la grille, je dois pouvoir réussir un bon résultat. C'est important que je recommence à marquer des points.
Pat Symonds, Directeur exécutif de l'ingénierier
Pat, l'équipe s'est imposée à Imola, lors du dernier GP, mais la R25 n'y était pas la voiture la plus rapide du plateau. A quoi vous attendez-vous pour Barcelone ?
Je pense que nous allons encore lutter pour la victoire. Ferrari était vraiment au-dessus du lot à Imola, cela ne fait aucun doute, mais, paradoxalement, je pense que leur avantage était trop grand pour être lié à la seule amélioration de la voiture. Je pense qu'ils disposaient d'un ensemble mieux adapté au tracé dans les conditions particulières du jour de course. Ceci signifie juste qu'ils étaient meilleurs sur ce circuit, mais rien ne prouve qu'ils afficheront automatiquement la même supériorité en Espagne. Nos monoplaces se sont montrées très compétitives à Barcelone dans tous les essais, ce qui nous permet d'aborder la course en toute confiance et de viser la victoire finale.
Au vu du rythme imposé par Schumacher, on pourrait aisément qualifier la victoire d'Alonso d'heureuse. Qu'avez-vous à répondre à cela ?
Oui, la part de chance est indéniable, car si Michael avait pu commencer son récital plus tôt, c'est-à-dire avant le 20e tour, quand la piste s'est finalement dégagée devant lui, le résultat aurait sûrement été tout autre. Mais bon, ce sont plus ou moins les mêmes circonstances qu'avait dû affronter Fernando en Australie, avant de voir le trafic s'éclaircir. Donc, nous avons eu de la chance, c'est vrai, mais ce n'est pas une raison pour amoindrir les performances de notre voiture et de notre pilote, qui a réussi à se porter en tête et à résister à Michael dans les derniers tours.
Le côté négatif, c'est le nouvel abandon de Giancarlo. Y'a-t-il des raisons de s'inquiéter ?
En 2005, au bout de quatre courses, nous en sommes à trois abandons, tous liés à des problèmes de fiabilité, de façon directe ou indirecte. Ceci nous porte préjudice au championnat du monde et nous sommes conscients que nous devons tout faire pour revoir les deux voitures à l'arrivée le plus vite possible. Pour Giancarlo, la situation est certes très frustrante, mais cela ne l'empêche pas de fournir un excellent travail pour l'équipe. Il a remporté sa première victoire pour nous en Australie et, malgré les problèmes de fiabilité qu'il a connus depuis lors, il a profité des bons moments de la voiture pour étaler toute sa vitesse et son goût du combat. Nous savons qu'il sera capable de rebondir dans les prochaines courses.
Le tracé barcelonais est réputé très difficile pour les pneus, mais la piste a été rénovée pendant l'hiver. Pouvez-vous nous dire ce qui a changé ?
Tout d'abord, je vous confirme que c'est un circuit très exigeant pour les pneumatiques, même s'il est peut-être moins agressif qu'il ne l'a été. Au début de l'hiver, nous y avons constaté une baisse de l'usure des pneus, mais ces derniers mois, il semble que le circuit retrouve ses caractéristiques traditionnelles, et ce phénomène risque de s'aggraver au fil du week-end de course. Michelin a travaillé d'arrache-pied pendant l'hiver pour s'adapter au défi proposé par les nouvelles règles et nos quatre succès dans les quatre premières courses parlent d'eux-mêmes. Il nous est proposé une bataille très rude, mais c'est un challenge qui nous plaît.
Pour conclure, à quoi vous attendez-vous de la part de vos concurrents en Espagne ?
Ferrari représente une grande menace, c'est sûr, mais il reste à voir s'ils parviennent à rééditer leur niveau de performance d'Imola sur l'asphalte catalan. McLaren sera très compétitif, tout comme Toyota d'ailleurs, et il faudra peut-être compter sur Williams. Ce circuit requiert une bonne efficacité aérodynamique, ce qui nous convient parfaitement, mais plus que jamais, la lutte aux avant-postes est vraiment très ouverte.
Rod Nelson, Ingénieur de piste châssis, voiture 5
Avec ses nombreuses courbes à haute vitesse, Barcelone est l'un des circuits qui accordent le plus d'importance aux performances aérodynamiques. Compte tenu de la part prépondérante de l'aérodynamique dans les monoplaces actuelles, il n'est pas étonnant que ce tracé soit fréquemment utilisé pour juger de la performance des voitures "à la sortie de l'usine", aux premiers roulages.
Le circuit inclut tous les types de virage et comporte deux longues lignes droites. En termes d'appuis, dans ce circuit nous privilégions un niveau assez élevé car les deux lignes droites sont précédées de courbes rapides. Ainsi, pour atteindre une bonne vitesse de pointe, il ne faut pas chercher à réduire la traînée en diminuant l'angle des ailerons. Au contraire, il faut des niveaux d'appuis raisonnablement élevés, qui permettent d'avaler ces virages le plus vite possible, car ce sont eux qui conditionnent la vitesse dans les lignes droites sur lesquelles ils débouchent. Il va presque de soi que, étant donné cette caractéristique du circuit, les dépassements sont quasiment impossibles au bout de ces lignes droites.
Le tracé demande également quelques compromis mécaniques, en particulier en termes de suspension et de hauteur de caisse. Suite à la rénovation du revêtement de la piste, réalisée pendant l'hiver, et à la reconfiguration du virage 10 au début de l'année dernière, les données ont un peu changé. Ainsi, la grande bosse qui traversait la ligne droite des stands a été effacée, ce qui autorise désormais des hauteurs de caisse plus basses, et le nouveau virage 10 n'impose plus aux voitures ces désagréables vibrations dignes d'une planche à laver. Nous avons besoin d’un train arrière plutôt rigide afin de faciliter les changements de direction rapides dans les virages 1-2 et 7-8. A l'arrière, en revanche, nous allons assouplir les ressorts et les amortisseurs de façon à augmenter la motricité à la sortie des virages lents.
Le dernier paramètre essentiel jouant sur la performance des véhicules pendant le week-end, c'est la gestion des pneumatiques. Qui dit courbes longues dit gros efforts – car les pneus travaillent beaucoup – et donc usure importante des gommes, un facteur critique sous le nouveau règlement. Dans ces virages à grande vitesse, les plus exposés à l'usure sont les pneus avant. Et c'est même le pneu avant gauche qui souffre le plus à Barcelone car il s'agit plus ou moins exclusivement de courbes vers la droite. Pour gérer cette usure, le paramètre sur lequel nous jouons principalement, c'est l'angle de carrossage. Nous allons analyser de près ce réglage lors des essais de façon à obtenir un bon compromis entre performance et durabilité.
Rémi Taffin, Ingénieur de piste moteur, voiture 5
Le circuit de Barcelone est certes bien connu de toutes les équipes, ses contraintes sont certes familières, mais il n'empêche que les changements de température et d'adhérence par rapport à l'hiver vont nous obliger à réajuster nos systèmes de contrôle pour le week-end de course. En outre, puisque nous allons aligner la spécification B de la RS25 pour la première fois sur les deux voitures, nous allons devoir procéder à quelques validations de la cartographie moteur.
Globalement, Barcelone n'est pas vraiment un "circuit moteur". C'est surtout un tracé qui requiert de très bonnes qualités aérodynamiques, le moteur n'étant pas sollicité constamment pour accélérer à fond depuis les bas régimes. En fait, les pilotes passent à peine 58 % du tour à pleine charge, quelque 4 % de moins qu'à Imola. De plus, les virages rapides imposent surtout des accélérations à mi-régime. Quant à la puissance, elle doit être délivrée de façon très progressive et souple, tant pour préserver la stabilité de la voiture en courbe que pour modérer l'usure des gommes. Le système d'antipatinage joue aussi un rôle prépondérant dans ce domaine.
Le choix des rapports de vitesse s'avère également très délicat à Barcelone, en particulier celui du dernier rapport. En effet, la présence d'une si longue ligne droite soumet le moteur à une grande période à pleine charge. Ainsi, nous devons ménager une certaine marge pour préserver la fiabilité et pour éviter tout surrégime en cas de vent de dos sur la ligne droite. Cette marge est également nécessaire pour les manœuvres de dépassement, mais la configuration du circuit n'y est pas très propice.
Enfin, les règlements moteur de 2005 joueront en notre faveur sur le déroulement du week-end. Car Fernando débarque à Barcelone avec un nouveau moteur, qu'il devra ensuite utiliser à Monaco, le circuit le moins exigeant de la saison pour le moteur. Nous allons donc pouvoir exploiter en Espagne une bonne partie du potentiel du moteur, en termes de performance et de kilométrage.
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Renault F1