.:: Les interviews ::.
Fernando Alonso
Fernando, vous avez besoin de six points pour remporter le championnat du monde. Cela vous angoisse-t-il d'être si près de votre rêve ?
Non, pas du tout. C'est vrai que je suis très près du championnat, mais j'aborde cette course comme n'importe quelle autre. Nous avons été très rapides au Brésil ces dernières années et la monoplace est de plus en plus compétitive dans tous les domaines. J'ai hâte d'y être.
Vous risquez d'être le champion du monde le plus jeune de l'Histoire. Y attachez-vous une importance particulière ?
Un titre de champion du monde, c'est le rêve de tout pilote. Je suis donc très content et très fier d'avoir la possibilité de le conquérir alors que je suis encore jeune. Mais le fait d'être le plus jeune ne me motive pas particulièrement. Un sportif cherche à être le meilleur dans son domaine et le championnat du monde de F1 est justement le summum pour un pilote de course.
Pouvez-vous nous donner votre sentiment sur le GP du Brésil ?
Comme d'habitude, j'y vais pour y donner mon maximum. Quel est l'intérêt de s'aligner au départ d'une course et de se contenter de viser le podium ? C'est impensable, il faut viser la victoire, il faut attaquer. Et c'est exactement ce que je vais faire. Si le week-end se passe bien, sans incident, nous pourrons obtenir le résultat dont nous avons besoin.
Giancarlo Fisichella
Giancarlo, comment vous sentez-vous après cet accident spectaculaire à Spa ?
Ça va. J'ai eu un peu mal le lendemain, mais je me sentais déjà beaucoup mieux à Silverstone, lors des essais de la semaine dernière. Je suis très déçu d'avoir été contraint à l'abandon à Spa car la voiture était très compétitive. En plus, avec Montoya hors course, nous aurions pu réussir une belle moisson de points pour l’équipe. En tout cas, la voiture m'a parfaitement protégé. J'ai maintenant hâte d'engager le GP du Brésil.
Le team est encore bien placé dans les deux championnats. Quel rôle pouvez-vous jouer dans ces deux combats ?
Pour Fernando, je pense que le championnat du monde est quasiment dans la poche, mais aux "Constructeurs", nous sommes au corps à corps avec McLaren, c'est vraiment très serré. Leur voiture est plus compétitive que la nôtre, mais elle pèche au niveau de la fiabilité. Je suis vraiment optimiste pour la fin de la saison. J'aimerais remporter encore une course ; pourquoi pas au Brésil ? Nous disposons d'un nouveau package aérodynamique et d'une nouvelle spécification moteur, donc nous devrions pouvoir nous montrer plus agressifs.
Parlez-nous du tracé brésilien… Est-il très exigeant ?
Bien sûr. J'aime énormément courir là-bas. Même si tout le monde sait que physiquement, comme il tourne dans le sens contraire des aiguilles d'une montre, c'est un circuit très éprouvant. Mais après la Turquie, je pense que nous devrions pouvoir tirer notre épingle du jeu. Cependant, comme il s'agit d'un tracé très court, la course comporte plus de 70 tours. Autant dire que ce ne sera pas de tout repos. En termes de pilotage, ce circuit a toujours été très bosselé, mais c'est moins le cas aujourd'hui. Il y a même des virages vraiment enthousiasmants, comme le 11, en descente, sur lequel il faut accélérer sans sortir de la trajectoire. Un très beau défi !
Ce circuit vous a toujours porté bonheur…
Oui, j'en garde beaucoup de bons souvenirs. Bien sûr, c'est là-bas, en 2003, que j'ai décroché ma première victoire, au volant d'une Jordan. Et j'ai aussi fini deuxième sur une Benetton en 2000. Même en 2001, avec un manque évident de puissance, j'ai réussi à scorer un point. Bref, je m'y sens vraiment bien. Benetton et Renault ont toujours été très rapides au Brésil, donc je l'aborde avec beaucoup d'optimisme. C'est vrai que nous sommes en retrait par rapport à McLaren, mais ce circuit devrait nous permettre de nous rapprocher.
Pat Symonds, Directeur exécutif de l'ingénierie
Pat, à trois courses de la fin de la saison, l'équipe vise encore les deux titres mondiaux. Lequel vous ferait le plus plaisir ?
Personnellement, je suis toujours très fier de remporter le championnat des Constructeurs, car cela vient couronner le travail effectué par toute l'équipe sur l'ensemble de la saison. En termes de publicité et pour le prestige de l'entreprise, il vaut mieux remporter le titre des Pilotes, cela ne fait aucun doute. Tout le monde se souvient du pilote champion et pas forcément de l'écurie. Mais au sein du team, nous avons tous envie de nous battre pour le "Constructeurs" également.
La McLaren est actuellement un ton au-dessus. Quelle va être la réponse de Renault ?
Nous ne sommes pas obtus dans l'équipe, nous reconnaissons volontiers la supériorité des McLaren. Mais nous préparons une bonne évolution aérodynamique pour le Brésil, ce qui va nous permettre de combler une partie du déficit. Ce retard est lié à des décisions techniques stratégiques prises par le team. C'est simple : nous ne voulions pas d'une voiture rapide et fragile. Ce que nous recherchions c'était une monoplace qui termine toutes les courses. C'est comme cela que l'on gagne un championnat.
A votre avis, quel sera le facteur déterminant lors des trois dernières courses ?
Je pense que cela va encore se jouer sur la fiabilité, même à ce stade avancé de la saison. Il reste trois courses, ce qui nous laisse six départs d'ici à la fin de l'année. Si les deux écuries sont six fois à l'arrivée d'ici à la Chine, il est probable que McLaren passera devant. Mais si eux se ratent, il y a de fortes chances que nous nous imposions. Donc, avant tout, nous allons tenter de finir les courses. Ensuite, nous allons chercher à leur faire subir une pression énorme, de telle sorte qu'ils éprouvent les pires difficultés pour aller jusqu’au bout…
Cela doit être dur de se battre contre plus rapide que soi…
Bien évidemment, mais le sport est ainsi fait ! Chez un pilote, je crois que ce qui fait la différente entre un bon et un champion, c'est la faculté à se surpasser chaque fois qu'on se retrouve sur la piste, l’aptitude à repousser ses limites. C'est pareil pour l'équipe : de notre côté, nous allons essayer de fournir à chaque course notre meilleure performance de l'année. A Monza, nous n'avons pas gagné, mais j'en ai tiré une grande satisfaction parce que j'ai senti qu'en tant qu'équipe, nous avions réalisé quelque chose de très grand. D'ailleurs, après avoir connu quelques soucis lors des arrêts au stand pendant l'année, nous avons réussi deux arrêts très rapides à Spa. C'est extrêmement difficile de faire en sorte qu'un groupe fonctionne au maximum de ses possibilités, mais quand cela arrive, c'est très gratifiant.
Dites-nous quelques mots sur le Brésil…
Tout comme Indianapolis, le circuit d'Interlagos présente deux moitiés très distinctes : une section ultrarapide devant les stands et le long de la ligne droite opposée, où la vitesse de pointe et une traînée réduite font la différence, et une partie sinueuse, qui requiert des appuis et de l'adhérence. Nous allons devoir travailler dur pour trouver le bon compromis au niveau des ailerons. Il faut une bonne adhérence mécanique pour les virages lents. En effet, comme le circuit est bosselé, si on talonne trop, on perd de l'adhérence et le temps au tour augmente. En règle générale, ce tracé nous réussit très bien et nous pensons que ce devrait encore être le cas.
Rémi Taffin, Ingénieur de course moteur, Voiture 5
Interlagos est le circuit le plus haut du calendrier puisqu'il culmine à 800 m. Ceci contribue à une baisse de la pression atmosphérique, donc à une réduction de la puissance du moteur de quelque 7 % par rapport au niveau de la mer. De ce fait, le tracé d'Interlagos est relativement facile pour certaines parties du moteur. Par exemple, à un régime donné, les pistons sont soumis à une charge inférieure de 10 % par rapport aux conditions normales. Même si les voitures avancent à plein régime pendant 58 % du tour, cet effort équivaut à environ 54 % dans des circonstances habituelles. Mais le circuit comprend tout de même quelques portions rapides, notamment une longue ligne droite qui demeure très exigeante pour certains composants. Ainsi, si les pistons sont épargnés, le vilebrequin n’est pas ménagé…
Comme avec tout circuit imposant des demandes variées en termes d'appuis, un moteur puissant constitue un bon point de départ. C'est le cas du RS25 : si l'on dispose d'une bonne puissance, les ingénieurs châssis peuvent se permettre d'accroître les appuis sans diminution de la vitesse en bout de ligne droite. Or ces appuis supplémentaires s'avèrent ensuite très utiles dans la partie sinueuse. La docilité du moteur est également très importante, surtout dans les virages 8/9/10, où les pilotes utilisent les rapports les plus bas. En effet, si le moteur délivre la puissance progressivement, ils peuvent choisir plus précisément leur trajectoire et moins perturber l'équilibre du châssis lors des changements de direction ou des phases de transition freinage - accélération. Très appréciée des pilotes, la docilité du RS25 devrait être un atout de taille dans la portion sinueuse.
Rod Nelson, Ingénieur de course châssis, voiture 5
Interlagos est un tracé aux caractéristiques opposées. Deux portions de la piste comportent de longues lignes droites demandant une bonne vitesse de pointe, tandis que, sur un autre secteur, composé d'un enchaînement de longs virages serrés, il faut des appuis élevés et une bonne adhérence mécanique. En termes d'appuis aérodynamiques, le réglage optimal pour un tour unique est souvent plus élevé que les niveaux que nous adoptons.
Le problème est simple : le seul espace propice aux dépassements se trouve dans le virage 1, mais il faut auparavant atteindre une bonne vitesse de pointe. Ainsi, nous réduisons notre niveau d'appui pour privilégier un réglage typé davantage "course". Les pilotes optant pour le réglage optimal regrettent souvent leur décision le dimanche au bout de 71 tours.
Au niveau de l'équilibre, l'alternance des virages rapides et lents complique la définition du meilleur compromis mécanique. La clé pour réussir un bon temps se trouve dans le virage 12, qui conditionne la vitesse dans la longue ligne droite en montée. Par conséquent, nous réglons la monoplace de telle sorte qu'elle puisse s'extraire rapidement de ce tournant, ce qui se traduit parfois par du survirage à basse vitesse dans le secteur sinueux et, plus particulièrement, dans les virages 8, 9 et 10. Cependant, ce compromis est le plus avantageux car le temps grappillé dans le secteur 3 et la possibilité de défendre sa position compense largement la perte de temps dans les virages lents.
Le tracé brésilien est traditionnellement considéré comme bosselé, surtout au niveau du virage 3, menant à la ligne droite opposée. L'an dernier, le revêtement a été refait, ce qui a amélioré les choses : nous n'avons plus de contraintes sur la hauteur de carrosserie. C'est important car toute augmentation, surtout à l'avant, dégrade les performances mécaniques et aérodynamiques.
Sur ce circuit, étant donné le petit nombre de virages rapides, nous privilégions généralement les pneus tendres. Si les températures sont inférieures aux prévisions, il y a un risque de grainage sur les pneus avant (ce fut le cas l'an dernier pour Fernando). Par ailleurs, les nombreux épisodes en motricité exigent une surveillance constante de la température des pneus arrière, surtout le gauche. Celui-ci est susceptible de patiner car la plupart des virages tournent à gauche, ce qui réduit la charge sur ce côté.
Au Brésil, il faut toujours prendre en compte le facteur météorologique, surtout en cas de pluie. En effet, s'il pleut, c'est forcément un déluge… Compte tenu du nombre de virages surélevés et du nouveau revêtement, il se produit un phénomène de ruissellement sur les virages 1 et 2, en travers du 3 (comme en 2003) et après le 12, sur la ligne d'arrivée.
Enfin, Interlagos est situé à 800 m d'altitude : c'est le circuit le plus haut de la saison. La baisse de la pression atmosphérique engendre une baisse de la puissance du moteur de 7 %, une diminution que l'on retrouve au niveau des appuis et de la traînée générée par les ailerons. Mais ce problème nous touche tous de la même façon.
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Renault F1