Source : Le Monde
Bob Bell : "Le boîtier électronique unique n'est pas une bonne chose
pour la formule 1"
Quel a été l'impact de la saison plutôt ratée de la R27 - qui n'a décroché qu'un seul podium en 2007 - sur la conception de la R28, qui portera les couleurs de Renault lors du championnat 2008, qui débute le 16 mars en Australie ?
La saison dernière, il est devenu clair, assez tôt, que la R27 ne serait pas une candidate pour la victoire dans le championnat du monde. Non pas parce que certaines composantes de la voiture avaient été mal conçues, mais parce que nous rencontrions des problèmes d'infrastructures de développement, notamment en ce qui concerne les informations que nous obtenions de nos tests en soufflerie.
Nous avons dû revoir nos procédures de travail pour nous assurer que ce que nous concevions dans nos bureaux d'études se traduisait de manière efficace sur la piste. Du coup, l'année dernière, nous avons décidé de mettre une bonne partie de nos efforts dans la résolution de ces problèmes de telle manière qu'ils ne perturbent pas le développement de la R28.
D'où venaient ces problèmes autour des tests en soufflerie ?
Les tests en soufflerie sont notoirement difficiles en F1, car, lorsqu'elles sont sur circuit, les voitures changent de forme selon leur vitesse ou leur attitude et il devient très complexe de retrouver en soufflerie le même type de situation, notamment dans le réglage des ailerons, éléments très sensibles.
La saison 2008 se lance avec une innovation majeure : un boîtier de contrôle électronique unique pour toutes les équipes fourni par McLaren. Cela pose-t-il un problème d'être équipé par votre concurrent ?
En principe, une écurie peut acheter ce boîtier et simplement l'échanger avec celui qu'elle avait jusqu'alors. Mais, en ce qui nous concerne, toute l'électronique de nos voitures était Magnetti-Marelli. Or nous ne voulions pas aboutir à une situation où coexisteraient le boîtier McLaren et l'électronique Magnetti-Marelli avec le risque de ne pas savoir exactement d'où venaient les problèmes, de connaître des soucis d'interfaces et que les fournisseurs se renvoient la balle. D'où notre décision d'adopter une solution intégrée pratiquement 100 % McLaren Electronic Systems.
Cela implique un changement majeur, non seulement de l'électronique, mais aussi de tous les logiciels associés au coeur de la voiture et dans les usines et les garages. Une migration qui représente un coût important et une grande dépense d'énergie, alors que, selon nous, le boîtier électronique unique n'est pas une bonne chose pour la formule 1.
Quant au fait qu'il soit fourni par un de nos rivaux, c'est un souci, nous espérons que la FIA et McLaren feront en sorte qu'il n'y ait pas d'utilisation impropre des informations qui concernent nos voitures. Mais nous avons confiance en eux.
Les problèmes d'infrastructures de développement et les nouvelles règles ont-ils retardé la mise au point de la R28 ?
En général, nous avons l'habitude de finir la construction de la première de nos deux voitures avant Noël pour en disposer lors de tests en janvier. Cette saison, nous avons décidé de retarder la construction de la R28 de deux à trois semaines pour donner à nos ingénieurs chargés de l'aérodynamique un peu plus de temps pour améliorer la voiture. De ce fait, la fin de la construction s'est faite mi-janvier. Cela dit, bien que le projet ait commencé à peu près au même moment que les années précédentes, nous y avons sans doute mis plus de ressources et d'efforts que d'habitude.
Comme toutes les écuries, vous entamez la deuxième saison avec les pneus Bridgestone. L'adaptation de la voiture à ces pneus vous a posé des problèmes la saison passée.
Jusqu'en 2007, nous avions des voitures aux solutions optimisées pour les Michelin. L'arrivée des pneus Bridgestone en 2007 nous a obligés à des changements fondamentaux dans l'architecture de la voiture, sur la distribution des masses, par exemple. Or, malheureusement, les informations sur les nouveaux pneus ne nous sont pas arrivées assez tôt pour que nous puissions bien les intégrer dans la conception de la R27. En revanche, le design de la R28 a été conduit avec une meilleure maîtrise des technologies de Bridgestone.
La Fédération internationale de l'automobile (FIA) souhaite limiter les budgets des écuries en matière de développement et de frais de fonctionnement. Comment gérer cette évolution du point de vue de l'ingénieur ?
Les ressources sont très variables d'une équipe à l'autre, entre, par exemple, Super Aguri ou Force India d'un côté, et Ferrari ou Toyota de l'autre. Renault se situe quelque part entre ces deux extrêmes. Nous sommes une équipe très flexible dans ses modes de fonctionnement, et l'une de celles qui, depuis un moment, a été soucieuse des questions d'efficacité budgétaire. Donc nous serons parmi les mieux préparés à des limitations de dépenses.
Cela dit, il est aujourd'hui difficile d'estimer quel impact un contrôle des budgets peut avoir, car personne ne sait comment ils seront limités et vérifiés. C'est une question complexe. Des discussions sont en cours à ce sujet entre les écuries et la FIA.
L'arrivée tardive de Fernando Alonso en décembre a-t-elle eu un impact négatif sur la mise au point de la voiture ?
Non, Fernando a conduit la voiture pendant des séances de test en janvier et il a été très productif dans ses commentaires sur la voiture et sur les améliorations possibles, notamment avec la disparition des aides à la conduite. C'est super de le voir à nouveau parmi nous et il est une grande source de motivation pour toute l'équipe.
Propos recueillis par Bertrand d'Armagnac
Article paru dans l'édition du 02.02.08