Du RS23 au RS24 :
Léon Taillieu, directeur du projet RS24 à Viry-Châtillon chez Renault F1 vous invite à découvrir les secrets et les concepts qui ont donné naissance au nouveau V10 Renault.
Objectif fiabilité.
Le Renault F1 Team a décidé de faire appel à une nouvelle architecture moteur pour la saison 2004. Ce choix a été motivé par un règlement sportif retouché, qui imposera de ne faire appel qu'à un seul moteur du vendredi matin au dimanche soir pendant les week-ends de Grand Prix la saison prochaine. « La fiabilité sera la priorité absolue pour la saison prochaine. », explique Léon Tailleu, chef du projet RS24, « Notre nouvelle base technique sera moins risquée que la précédente et a été choisie pour cette raison. Nous avons commencé à y travailler au moins de mars 2003 : le cahier des charges prend en compte non seulement les 700 kilomètres de fiabilité indispensable, mais également l'encombrement, le poids, et la puissance. Celle-ci sera d'ailleurs développée assez rapidement. »
Intégration avant tout.
Le prochain V10 de Viry-Châtillon, le RS24, adoptera un angle plus fermé. « La décision a été prise bien avant que le public en ait été informé », explique Mark Smith, « Nous avons donc pu travailler de manière étroite avec nos homologues français dès le début du projet et nous ne souffrirons pas en termes d'intégration ou de rigidité d'ensemble. Nous avons disposé de suffisamment de temps pour parvenir à des qualités au moins aussi bonnes que celles du châssis 2003 sur ces points. » Une maquette du moteur 2004 a été envoyée à Enstone voilà quelques semaines. Les ingénieurs châssis ont pu ainsi peaufiner les exigences de refroidissement du RS24, ainsi que ses points d'ancrages. « De plus, nous avons beaucoup travaillé pour que ce moteur, bien que plus haut que le précédent, puisse être alimenté par une prise d'air identique à celle de la voiture 2003 », confie Léon Tailleu, « L'un de nos objectifs était en effet de ne pas perturber l'efficacité aérodynamique de la nouvelle monoplace. »
Pas un instant à perdre.
Les échéances se bousculent à Viry-Châtillon. « Il y a trois semaines, nous avons pu tester la nouvelle culasse sur un banc d'essais électrique. Cette technique consiste à vérifier tous les aspects dynamiques du moteur sans combustion. », explique Léon Tailleu, « La semaine suivante, le premier test dynamique a été effectué avec la nouvelle culasse, mais sur un carter non-définitif. » La semaine dernière, enfin, la premier RS24 a poussé ses premiers rugissements sur un banc thermique. Une première grande étape. Les rendez-vous, ensuite, se succèderont à la vitesse grand V : « Durant la première semaine de novembre, nous effectueront le choix de conduit d'admission à utiliser », poursuit Léon Taillieu, « Six semaines plus tard, nous accoupleront la boîte de vitesses au RS24 pour un premier essais conjoint au banc. A cette même date, nous pensons que le nouveau moteur sera fiabilisé. »
.. au RS25 :
Axel, quel était le cahier des charges du RS25 ?
Axel Plasse (à droite) : Ce moteur devait être une synthèse entre les solutions novatrices adoptées par le RS23, à angle large, et les techniques plus conventionnelles utilisées avec le RS24 de la saison dernière. A l’époque où le projet a débuté, le RS24 n’avait pas encore fait ses preuves sur la piste : il nous a fallu faire des choix alors que les résultats n’existaient pas encore. En résumé, finalement, le cahier des charges du RS25 tient en trois mots : champion du monde. Ce V10 doit en effet faire preuve de nos capacités de produire un moteur capable de lutter pour le titre mondial.
Il emprunte donc le meilleur des deux derniers V10 maison…
AP : C’est tout à fait cela. Le RS25 reprend les bons gènes de chacun d’entre eux. A tous les stades de la conception, notre approche a été la même : quel moteur apportait la meilleure réponse au problème, le RS23 ou le RS24 ? Nous considérions une foule de paramètres : la fiabilité, la performance, nous consultions nos fournisseurs, notre service achats… Au final, chaque partie du moteur a évolué par rapport à 2004 et 98% de ses pièces sont nouvelles.
La recherche de la puissance a-t-elle été une priorité ?
AP : Trouver la puissance est toujours l’une des priorités d’un motoriste, mais elle n’est pas la seule. Nous avons souhaité que le RS25 soit ‘typé course’. Cela signifiait le rendre exploitable. De plus, nous ne voulions pas faire de lui un bijou de bureau d’études ni jouer la carte de la technologie pour la technologie. Notre approche a été très réaliste : le moteur doit presque se faire oublier dans la voiture. Il doit faire son boulot, point.
Quand le moteur a-t-il tourné pour la première fois ?
AP : Pendant l’été 2004, juste après Silverstone. Il a tout de suite tourné comme une horloge. (Pour assister aux premiers rugissements du RS25 au banc, cliquer sur 'Vidéo' à droite).
A-t-il été possible d’incorporer les dernières évolutions du RS24 ?
AP : Oui. Chacune d’entre elles a été reportée. Il n’y a pas de rupture d’architecture ou de technologie entre ces deux V10.
Le changement de règlement a-t-il perturbé la mise au point du RS25 ? La fiabilité doit être deux fois plus grande…
AP : Il ne faut pas sous-estimer le défi : fiabiliser un moteur pour une distance deux fois plus grande ne fut pas aisé. Cela ne nous a pas causé de problèmes insurmontables mais nous avons retouché le RS25 en fonction de cette nouvelle exigence. Il faut également remettre les choses dans leur contexte : de 2003 à 2004, l’exigence de fiabilité a été multipliée par 1,6. De 2004 à 2005, par 2. Ce n’est pas très éloigné.
Quelles sont les caractéristiques de ce moteur ?
AP : Il s’agit d’un moteur entièrement revu. Son centre de gravité est significativement plus bas. Les dimensions sont comparables. Malgré le nouveau règlement, il n’est pas plus lourd que son prédécesseur. Puissance, régime, couple et fiabilité ont été, bien sûr, améliorés, et l’intégration châssis-moteur est la meilleure que nous avons produite.
Enfin, l’aspect budgétaire a-t-il été pris en compte lors de la conception de ce moteur ?
AP : Le RS25 a été étudié avec la contrainte financière en permanence à l’esprit. Il a fallu contenir le coût de chaque pièce. Au final, notre budget n’a pas été dépassé d’un euro. Cela a été une préoccupation constante.