Tim Densham parle du design de la R26
« Une évolution de notre concept F1 »
Chef designer de l’équipe Renault F1, Tim Densham est un homme des coulisses : rares sont les occasions de l’entendre s’exprimer.
Arrivé en F1 au début des années 80 au sein du Team Lotus, il rejoindra l’écurie Brabham en 1990. Il s’en ira ensuite participer à la fin de l’aventure de l’équipe Tyrrell. Recruté ensuite par Benetton, Tim Densham participe activement aux succès de Renault en F1.
Tim, la mission de la R26 sera de défendre les deux titres mondiaux : avez-vous modifié votre approche en conséquence ?
« Le véritable avantage pour Renault, c’est que nous avons pu partir d’une base solide. Au lieu de tout changer, nous savions que la R25 était une bonne voiture et nous nous sommes concentrés sur les domaines qui nous aideraient à améliorer les performances : nous avons revu chaque composant afin de le rendre meilleur et termes de poids et de rigidité. La voiture devra défendre les deux titres, mais cela ne change pas les équations à résoudre et les calculs à effectuer. »
Quand le travail sur la R26 a-t-il commencé ?
« Les premières discussions à propos de la voiture on commencé avec nos collègues de Viry en octobre 2004. Le travail de design proprement dit a quant à lui débuté en avril 2005. Ce qu’il faut mettre en avant à propos de cette phase de conception, c’est l’accent qui a été mis sur la collaboration. Nous travaillons avec le département aérodynamique de manière à identifier les domaines qui apporteront les gains en performance les plus significatifs, et nous essayons de rassembler les éléments mécaniques dans un package aussi compact que possible de manière à donner totale liberté aux aérodynamiciens. Le challenge, c’est de ne pas compromettre les qualités mécaniques de la R25 : il faut donc équilibrer cette liberté d’action. »
Le changement d’architecture moteur a-t-il eu un impact sur la conception du châssis ?
« Pas vraiment. Nous n’avons pas dessiné une voiture fondamentalement nouvelle à cause du V8. Par exemple, un moteur plus court n’impose pas un changement systématique de l’empattement. C’est un paramètre que nous avons évalué. Nous avons ensuite pris une décision en accord avec l’équipe aérodynamique, et c’était la meilleure pour la voiture elle-même. La R26 est une évolution de ce que nous avons fait ces dernières années. Nous ne sommes pas partis d’une feuille blanche. »
Un V8 est plus court qu’un V10 : avez-vous eu davantage de liberté en concevant le packaging de la voiture ?
« Cette question touche plusieurs domaines. Tout d’abord, le moteur est plus court, plus léger, et développe une puissance moindre par rapport à un V10. Cela nous a permis de réaliser un bon pas en avant lorsque nous avons réalisé le packaging le plus compact possible. Les radiateurs peuvent être plus petits, par exemple, et permettent d’utiliser des formes de carrosserie plus extrêmes. Ensuite, l’angle du V du moteur s’est ouvert de 72° à 90°. Cela nous a permis d’abaisser le centre de gravité et se traduit par un gain en performance. En retour, cet angle rend le moteur plus large : il nous a fallu revoir l’installation des éléments périphériques en conséquence. Enfin, nous avons accordé une grande importance à la conception des détails : nous avons positionné les accessoires de manière à ce qu’ils puissent fonctionner correctement dans cet environnement. »
La modification tardive du format des qualifications a-t-elle eu un impact sur le dessin de la R26 ?
« Non. Ces changements sont arrivés trop tard pour avoir un réel impact, mais cela ne nous inquiète pas. Si nous avons une bonne voiture, je pense qu’elle pourra se montrer compétitive quelles que soient les circonstances, avec beaucoup ou peu de carburant. »
Le R26 et le moteur RS26 n’ont pas tourné avant janvier. Est-ce une préoccupation ?
« Pas du tout. Nous avons toujours pensé qu’il y aurait quelques petits problèmes à résoudre lors des premières semaines. Nous savons que la fiabilité est le facteur le plus important avant la première course, et nous avons travaillé dur afin de mettre les bonnes solutions en place rapidement. Disposer de la nouvelle voiture assez tôt en janvier était un avantage : nous voulions être prêts pour la première course. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse dans l’absolu lorsqu’il s’agit de savoir si une voiture hybride est utile ou non pendant l’hiver. Chaque solution est un compromis, et celle que nous avons prise était la meilleure dans notre situation. »
De quels éléments de cette voiture êtes-vous le plus fier ?
« En tant que designer, ce qui est satisfaisant, c’est de voir que la voiture est homogène, et qu’elle n’est pas constituée d’une somme de pièces individuelles. Cela est une nouvelle évolution de la philosophie qui, selon nous, est la plus efficace lorsqu’il s’agit de concevoir une F1. La R26 illustre les efforts de toute une équipe, et chacune de ses pièces est en interaction avec les autres. Il est impossible d’isoler un élément et de dire : "C'est pour cela que la voiture sera rapide." Ce qui procure un réel sentiment de satisfaction, en tant que designer, c’est lorsque tous les petits détails s’imbriquent parfaitement les uns dans les autres. »