Le règlement technique de la Formule 1 va radicalement changer cette saison avec l’interdiction de ravitailler en essence durant les Grands Prix. Cela va drastiquement changer le look des voitures de F1 et leurs performances.
Nous en avons discuté avec Claude Rouelle, ancien ingénieur de piste Formule 1, qui a aussi travaillé en séries ChampCar et NASCAR, et aujourd’hui président de la société de consultants OptimumG.
En gros, la taille du réservoir d’essence va grimper de 90 à 210 litres, soit plus du double. Une telle augmentation du volume n’est pas aisée à réaliser. Augmenter la hauteur du réservoir hausse le centre de gravité de la voiture et accroît la longueur de l’empattement, les deux étant à proscrire.
« Je pense que ça se fera plutôt en longueur qu’en hauteur, de dire Claude Rouelle. Car outre la masse, trois paramètres importants risquent de changer pendant la course : la répartition des masses, le moment d’inertie (avec la position du carburant qui reste dans le réservoir) et les gardes au sol. »
En 2009, les voitures, dotées d’un réservoir d’essence d’une capacité d’environ 90 à 100 litres, prenaient le départ avec à peu près 60kg d’essence à bord, pour une charge totale de 665kg (605 kilos + 60).
Mais les choses seront radicalement différentes cette année. Avec une consommation moyenne de 2,5 kilos d’essence aux 5 km (source : Race Car Engineering), les monoplaces devront embarquer cette saison à peu près 155kg de carburant, soit 210 litres. Au départ d’un Grand Prix, le poids total de la voiture sera d’environ 775kg (poids de voiture 620 kilos + 155 kilos d’essence). Ce qui représente une augmentation de 110 kilos en comparaison à 2009.
« Un tel alourdissement est énorme, affirme Claude Rouelle. Ce poids va fusiller les pneus si le pilote ne fait pas attention. Je prédis qu’au cours des 10 premiers tours de la course, les chronos seront plus lents de 5 secondes de ce qu’ils étaient en qualification. De plus, il ne faudra pas rouler en pneus « option » au départ, car ils seront trop tendres. Le premier relais devra donc être effectué en pneus « prime », plus durs, donc plus endurants, mais aussi plus lents. Ce poids énorme va aussi lourdement taxer les freins. Il sera primordial de les économiser au maximum sur un circuit comme Montréal, hyper dur sur les freins. »
Le problème est que l’augmentation de la charge d’essence a une influence exponentielle sur les temps au tour. Autrement dit, ajouter 20 litres d’essence dans un réservoir vide n’a pas la même influence qu’ajouter 20 litres dans un réservoir presque plein.
« Lors d’essais privés en Formule 3000 à Suzuka, passer de 20 à 40 litres d’essence dans le réservoir ne faisait perdre que 0,3 seconde au tour, de raconter Rouelle. Par contre, passer de 100 à 120 litres faisait chuter les chronos d’une seconde pleine! L’influence est donc exponentielle, ce qui signifie qu’avec les 210 litres d’essence qu’elles emporteront en début de Grand Prix cette saison, les voitures F1 seront difficiles à conduire et feront horriblement souffrir les pneus et les freins. »
Rouelle croit donc que certains ingénieurs seront tentés de modifier la position du carburant dans le réservoir durant le déroulement de la course.
« Un réservoir de F1 comporte 9 clapets destinés à empêcher le ballottement du carburant quand la voiture roule, d’expliquer Rouelle. On pourrait donc voir un système de pompes fixées à ces clapets qui pourraient déplacer l’essence vers l’avant du réservoir ou vers l’arrière pour modifier la répartition des masses et compenser la dégradation de la tenue de route. Un peu comme le font les pilotes d’avion de ligne en vol. »
Rouelle précise aussi que les voitures de F1 sont sensibles à des variations de 0,5 mm de garde au sol, particulièrement à l’avant. « Dépendant de la rigidité verticale des pneus, la voiture va remonter légèrement durant la course puisque qu’elle va s’alléger. Il faudra sans doute réajuster l’équilibre aérodynamique durant les arrêts aux stands. »
Le président d’OptimumG, qui œuvre encore comme consultant avec plusieurs écuries de F1, croit que les équipes qui réussiront le mieux seront celles dont les ingénieurs comprennent le mieux les variations de grip mécanique avec les modifications de masse, de distribution des masses et de moment d’inertie.
« Pour cela, il faut déjà bien comprendre le pneu. À ce jeu, les écuries McLaren, Brawn (Mercedes GP) et Red Bull me semblent être les plus fortes. C’est mon estimation personnelle qui repose de ce que j’entends de la F1, mais comme je n’ai qu’une partie des informations, je peux me tromper! » de conclure Rouelle.
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