Le constructeur a averti que ses résultats seraient moins bons que prévus cette année et qu’il pourrait être amené à réduire ses investissements en R&D, alors que les bouleversements technologiques actuels les rendent indispensables, analyse Philippe Escande, éditorialiste économique au « Monde ».
Pertes & profits. Il y a parfois des phrases que l’on aimerait ne pas avoir prononcées. Certaines ont une étrange vertu autoréalisatrice. Quand le directeur général de Renault, Thierry Bolloré, s’insurge dans Les Echos contre son débarquement brutal du groupe, mercredi 9 octobre, il mentionne comme preuve d’injustice le fait que « Renault est l’un des très rares constructeurs automobiles à ne pas avoir fait de “profit warning” en dépit du contexte de crise sectoriel qu’[ils traversent] ». Jeudi 17 octobre, sa remplaçante, Clotilde Delbos, publie un avertissement en bonne et due forme sur ses résultats du troisième trimestre achevé. La marge opérationnelle du groupe devrait, cette année, avoisiner les 5 % au lieu des 6 % prévus.
On pourrait, bien sûr, rétorquer que ce n’est déjà pas si mal, compte tenu des très mauvaises performances de son allié Nissan et du mauvais contexte international. Néanmoins, Renault gagne désormais deux fois moins d’argent que son rival français PSA, et sa consommation de trésorerie a été négative au premier semestre et pourrait l’être sur toute l’année, ce qui est, là encore, contraire aux prévisions données au marché.
Climat difficile en interne
On comprend mieux dès lors, le climat difficile en interne, qui n’a pas été anodin dans la décision de se séparer de M. Bolloré. Le président, Jean-Dominique Senard, n’aurait pas apprécié d’avoir découvert que la firme avait décidé de reporter à 2020 le paiement des fournisseurs. Une astuce délétère d’entreprise aux abois.
La nouvelle patronne n’a pas non plus fait dans la finesse diplomatique en affirmant que l’une des raisons des difficultés du trimestre dernier provenait du mauvais ajustement à la baisse des dépenses de R&D face à la dégradation des ventes. Une façon, en creux, de reconnaître que l’entreprise ne gagne plus assez d’argent pour préparer un futur qui va, au contraire, nécessiter une forte croissance de la R&D. D’où la motivation soudaine pour un mariage avec Fiat Chrysler.
On disait, à une époque, en parlant de la marque au losange, qu’il ne fallait pas désespérer Billancourt, siège historique de ses usines. Il faudrait peut-être désormais ne pas démoraliser le centre de recherche de Guyancourt, le plus grand site de Renault en France, avec ses 12 000 personnes (quatre fois plus que sa plus grosse usine dans l’Hexagone) et où se réunit, vendredi 18 octobre, le conseil d’administration.
https://www.lemonde.fr/economie/article ... titre_1%5D
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Le constructeur français dévissait de plus de 13 % à l'ouverture de la Bourse ce vendredi. Jeudi en fin de journée, Renault avait indiqué qu'il revoyait à la baisse ses objectifs financiers pour 2019, tablant notamment sur une baisse de 3 % à 4 % de son chiffre d'affaires annuel.
Renault, qui traverse une crise de gouvernance, n'en a visiblement pas encore fini avec les turbulences.
Ce vendredi matin, le groupe français voit son titre dégringoler en Bourse, conséquence directe de l'avertissement sur ses résultats annoncés la veille. Peu après l'ouverture, l'action du constructeur tricolore chutait ainsi de plus de 13 %, dans un marché en légère baisse.
Jeudi, en fin de journée, Renault avait notamment indiqué qu'il s'attendait désormais à un chiffre d'affaires annuel en baisse de 3 % à 4 %, alors qu'il anticipait jusqu'ici un niveau d'activité stable par rapport à 2018. Il avait également annoncé un chiffre d'affaires en baisse de 1,6 % pour le troisième trimestre.
Les objectifs du plan « Drive the Future » également revus
Les flux de trésorerie de l'activité automobile, eux, « devraient être positifs au second semestre, mais sans garantie qu'ils le [soient] pour l'année », avait-il ajouté. Là aussi, des flux positifs sur l'ensemble de l'année étaient initialement attendus.
Enfin, la nouvelle direction souhaite réévaluer les objectifs du plan à moyen terme 'Drive the Future', a-t-elle fait savoir sans donner plus de précisions. Ce plan prévoyait jusque-là un chiffre d'affaires supérieur à 70 milliards d'euros et une marge opérationnelle supérieure à 7 % à l'horizon 2022.
La semaine dernière, le conseil d'administration du constructeur avait brutalement évincé son directeur général Thierry Bolloré, afin de « donner un nouveau souffle » à l'entreprise. Les mauvais résultats annoncés jeudi pourraient avoir précipité son éviction.
https://www.lesechos.fr/industrie-servi ... se-1141144