J'ai recopié l'article écrit par Romain et paru dans l'Équipe du 15 novembre :
Ma vie de numéro 3
Sollicité par "L'Équipe", Romain Grosjean, pilote de réserve de l'écurie Lotus Renault GP, a rédigé la chronique de son week-end de Grand Prix à Abu Dhabi.C'est toujours les deux mêmes questions : "
Alors vous faites des essais pour l'écurie ? — Non malheureusement, il n'y a plus d'essais en Formule 1. — Mais que faites-vous donc si vous ne roulez pas ? " Les mauvaises langues diraient pas grand chose et pourtant mes week-ends sont bien occupés. En tant que troisième pilote Lotus Renault GP, je me déplace sur tous les essais hivernaux et tous les Grands Prix pour remplacer un titulaire au cas où il ne serait pas en mesure de rouler. En général, j'arrive le mercredi soir, un peu plus tôt si le décalage horaire est important. Ma première occupation est toujours le tour du circuit, le jeudi vers 11 heures. A pied avec les coureurs, le team manager et les neufs ingénieurs en charge des deux voitures. L'objectif : regarder les changements sur la piste et retrouver, pour les pilotes, leurs repères. Ce tour effectué, je passe pas mal de temps avec les mécaniciens pour discuter et apprendre toujours un plus sur les fonctionnement mécanique d'une Formule 1.
D'ordinaire, le vendredi est calme. J'ai un briefing matinal, une heure avant le début des essais, et muret des stands ensuite au côté des ingénieurs. Mais ici, à Abu Dhabi, quelle journée pour moi ! J'entamais la première de mes deux séances programmées par l'équipe. Ce jour-là, je me suis donc assis au briefing à la place du titulaire ; j'ai écouté avec attention quel serait mon programme et quelles seraient les procédures à suivre.
Une heure et demie de bonheur !J'ai pu ensuite retourner me concentrer dans ma chambre avec un petit moment de décontraction proposé gentiment par le physio de Bruno Senna dont je prenais le baquet. L'avant-séance est toujours un moment clé pour moi : j'aime parler de tout et de rien, être entouré d'amis pour rester détendu.
Vingt minutes avant la séance, j'ai rejoint le garage. Ces instants-là sont toujours aussi magiques et spéciaux. J'ai enfilé mon casque, sauté dans la Lotus Renault GP n°9, embrayé, mis la première et c'était parti pour une heure et demie de bonheur ! Après la séance, débriefing avec les ingénieurs. Pas un, mais tous ceux qui étaient présents jeudi pour le tour de piste... Car chacun a besoin d'informations précises.
Une fois l'adrénaline redescendue et les commentaires sur la voiture effectués, j'ai renfilé mon polo Lotus Renault GP et repris ma place de troisième pilote pour le reste des essais. Avec le retour sur le muret pour la deuxième séance. Là, j'écoute toutes les liaisons radio, entre ingénieurs et pilotes. C'est toujours très instructif. Le vendredi ne s'arrête pas avec le retour des voitures dans leurs garages. Il y a encore le débriefing de la journée, puis le briefing des pilotes.
C'est un moment assez sympa où certains coureurs en profitent pour régler leurs comptes les uns avec les autres. Mais c'est surtout pour nous l'occasion de parler de ce que nous pouvons faire pour améliorer notre sport, le spectacle et la sécurité.
Samedi, rebelote avec une succession de briefings techniques. Mais il faut aussi que je fasse des apparitions dans le garage à des heures précises pour venir parler avec nos partenaires et répondre à toutes leurs questions.
Arrive dimanche, jour de la course. Une ultime réunion sur la stratégie le matin, une dernière visite devant le garage avec les sponsors et je rejoins le muret des stands — encore — pour suivre le Grand Prix. Je rêverais de grimper dans une Formule 1 à ce moment-là et à chaque fois qu'une voiture passe dans la voie des stands, j'ai envie de sauter et de prendre la place de son pilote. Je ne dirais pas que c'est frustrant, mais je suis comme un enfant devant un jouet qu'il ne peut pas toucher pour le moment, impatient. Alors, même si je ne crois plus plus au Père Noël, je garde espoir et j'espère que le cadeau dont j'ai le plus envie, cette année, devancera la neige sous mon sapin.
Romain GROSJEAN